Editions: Le Livre de Poche, 2011
Nombre de pages: 443
Quatrième de couverture:
Laissez-vous transporter dans la tourmente de la Deuxième Guerre mondiale, à Munich, Berlin, Londres, Paris, Kiev, faites un petit détour par le Moyen Age et repassez par 2010 pour atterrir à Prague, en 1942. HHhH raconte l’histoire de l’attentat contre Heydrich et de la folle traque qui s’ensuivit pour s’achever dans une église au centre de Prague où sept hommes soutinrent un siège de sept heures face à sept cent SS. Reinhard Heydrich, « l’homme le plus dangereux du IIIe Reich », était le bras droit d’Himmler mais chez les SS, on disait « HHhH », ce qui signifiait : « le cerveau d’Himmler s’appelle Heydrich ». A l’heure où le débat fait rage autour des rapports tumultueux entre Histoire et fiction (cf. l’affaire Lanzmann-Haenel), dévorez sans attendre ce roman étonnant qui reconstitue les faits avec une précision maniaque fondée sur un travail de documentation impressionnant mais qui se pose sans cesse la question, entre deux déflagrations : comment raconter une histoire vraie ?
J'espère réussir à trouver les mots justes pour vous parler de ce livre. Il a éveillé un nombre incalculable d'émotions en moi, à tel point que j'ai eu besoin de temps pour le digérer avant de vous en parler. Il est dur, comme tout livre traitant de l'époque, mais surtout il humanise beaucoup certains bourreaux, nous montrant différentes facettes de leur personnalité, ce qui le fait ressortir du lot par rapport à d'autres livres.
Je dois dire que ce genre de roman m'attire de plus en plus, car même si certains pensent que les nazis sont forcément tous des monstres et qu'ils ne veulent pas ne serait-ce que ressentir quelque chose vis-à-vis d'eux, j'ai de la peine à être aussi catégorique. Je suis tout simplement fascinée par la façon dont leurs esprits ont évolué durant cette guerre, dont ils ont pensé certaines étapes de leur accession à la suprématie et à l'épuration du pays.
Ces paroles peuvent choquer certains, j'en convient, mais difficile de ne pas se poser de questions quand on voit toutes les contradictions qui régissaient leur doctrine et que pourtant ils ont continué jusqu'au bout (avec plein d'infractions bien sûr, mais n'empêche qu'il n'y a pas eu les gros soulèvement qui nous semblent logiques), qu'ils obéissaient aux ordres ne réfléchissant que plus tard à la portée de leurs actes (ou pas pour certains). Il y a de quoi vouloir décortiquer l'âme humaine et essayer de comprendre comment ils ont pu aller aussi loin, afin d'éviter que cela se reproduise, non? Après tout Milgram nous a bien montré à quel point l'être humain peut flancher et se retrouver incapable de résister à une autorité...
Dans ce roman, c'est Reinhard Heydrich qui est au coeur du récit, le bras droit d'Himmler. Celui qu'on appelle HHhH - Himmlers Hirn heisst Heydrich (le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich), et qui est le chef de la Gestapo et des services secrets nazis. Je n'avais pas encore eu l'occasion de vraiment rencontrer ce personnage jusqu'à maintenant, puisque je me suis surtout intéressée aux évènements touchant Auschwitz et moins à ceux touchant l'annexion de la Tchécoslovaquie et à ceux portant sur la Gestapo.
L'auteur ne nous offre pas une histoire, mais nous parle de l'Histoire. C'est un savant mélange entre le documentaire et le roman, puisqu'il nous le rappelle souvent lui-même: il prête aux personnages des mots ou des comportements qu'ils pourraient avoir eu, mais sans être sûr que sa vision des choses soit correcte. Il essaie au mieux de transmettre toutes les informations qu'il a trouvé sur la vie d'Heydrich, sur les évènements de Prague et sur l'attentat, prenant souvent la parole dans son livre pour nous expliquer son travail de recherche et ses incertitudes sur la façon dont il transmet les faits. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé ce procédé, j'avais l'impression d'échanger avec l'auteur tout au long du roman.
Revenons-en à Heydrich un personnage palpitant dont la vie est d'une rigidité et d'une organisation incroyable. C'est un esprit pensant très intelligent (trop?), qui a imprégné le troisième Reich de sa patte si unique. Il est l'un des instigateurs d'un grand nombre d'évènements et on ne peut que se demander ce qu'aurait été le règne d'Hitler s'il n'était pas parti aussi tôt... Il y a de quoi cogiter et s'inquiéter à la vue de toutes les idées qu'il a eues et de tous les complots qu'il a fomenté en cachette. Il est un bureaucrate hors pair et un vrai génie du crime.
D'un autre côté, nous suivons les parachutistes dépêchés pour l'assassiner. Eux aussi ils passeront par toutes les galères jusqu'à l'attentat et ils vivront un vrai calvaire jusqu'au bout. Bon finalement, ils se retrouvent presque un peu en retrait face au charisme d'Heydrich, mais il n'empêche que suivre les deux côtés en même temps est palpitant. Je me suis attachée à ses personnages qui font tout pour stopper la barbarie qui se déroule chez eux, tout en sachant que cela risque de leur coûter la vie.
J'ai même été très choquée quand j'ai vu comment réagissaient les autres nations au début de la montée d'Hitler, à quel point ils ont laissé faire, sans s'inquiéter, ne voyant pas l'intérêt de s'ennuyer à intervenir... L'avenir leur donnera tort très fortement... De quoi perdre foi une fois de plus en la politique.